• Le journal d'Eugénie 1880

    Jamais je n’aurais cru que ça m’arriverait un jour. Alors que j’étais tombée éperdument amoureuse de Henri, un ami d’enfance, mon père m’annonce que je dois épouser le fils d’un de ses amis. Autant dire que je n’étais pas du tout d’accord.

    Henri m’a demandé de l’épouser, bon, c’est vrai que rien n’est officiel, nos parents se détestent, un peu comme Roméo et Juliette. Deux clans, les riches et les modestes. Mais là n’est pas la question.

    J’ai osé dire non à mon père et il ne l’a pas supporté. Comment lui dire que j’ai 22 ans et que je suis en âge de choisir l’homme qui me mariera et qui fera de moi une femme comblée et heureuse.

    Les murs ont tremblé tellement, mon père était en colère, sa décision était prise et c’était ainsi. Je n’avais pas mon mot à dire.

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Je me suis enfermée dans ma chambre et j’ai pleuré dans mon lit, j’allais perdre mon âme-sœur pour épouser un inconnu.

    Maman est venue me voir et m’a dit que parfois, on ne faisait pas ce qu’on souhaitait, qu’elle et mon père ont aussi eu un mariage de convenance et qu’avec le temps, ils ont éprouvé de l’affection l’un envers l’autre.

    Je ne veux pas de ça dans ma vie, je veux un mariage d’amour, le même amour que j’éprouve pour Henri.

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Quand tout le monde fut endormi, je me suis glissée à l’extérieur et j’ai couru jusque chez lui, j’ai toqué à la fenêtre de sa chambre et il est sorti.

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Je lui ai expliqué ce que m’imposait mon père, il m’a réconforté en m’annonçant qu’on allait s’enfuir loin d’ici et qu’on allait se marier. Ce soir-là, je n’ai pas réfléchi, j’ai acquiescé.

    Il nous aura fallu trois jours pour remplir nos malles en cachette et six autres pour arriver à Hendford on Bagley, un petit village au milieu de nulle part, je ne le connaissais même pas.

    Quand j’ai découvert la maison qu’Henri nous avait achetée, j’aurais pu pleurer. La bâtisse était en très mauvais état, mais j’étais heureuse, nous étions mariés et ensemble. Plus personne ne pourrait nous enlever notre bonheur, même pas cette vieille maison délabrée.

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

      

    Aux alentours de midi, j’avais déjà dépoussiéré les meubles qui étaient restés dans la maison, Henri avait allumé la cheminée pour ôter l’humidité intérieure. Il y avait énormément de travail pour rendre la maison convenable.

    Il m’a expliqué qu’il gratterait la vieille peinture sur les murs et qu’il faudrait changer les ardoises du toit. J’imagine que ça coûterait très cher et que pour l’instant nous n’en avons pas les moyens.

    Il voudrait trouver un petit travail, mais il n’y a rien au village, donc, il utiliserait le vieil établi et fabriquerait des objets pour les vendre sur la place.

    Nous n’allons pas avoir une facile, mais nous serons ensemble.

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    L’après-midi, j’ai fini de nettoyer l’intérieur de notre nid douillet. Henri a ramoné les vieux poêles et réparé celui de la cuisine. Avec de l’huile de coude, j’ai rendu à ce monstre en fonte, une seconde vie.

    Il est magnifique avec ses dorures qui étaient cachées sous la suie et la crasse.

    Je ne me sens pas très bien, j’ai toujours envie de vomir et pourtant, je n’ai mangé qu’un potage à la tomate. J’espère que ça va passer, il manquerait plus que je tombe malade alors qu’il n’y a pas de médecin dans le village.

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Nous avons bien avancé à la maison, Henri a désherbé le jardin, il s’est fait un petit potager et fabrique un poulailler. Il nous faut des protéines, surtout pour Henri qui travaille dur pour subvenir à mes besoins et au petit qui grandit en moi. 

    Et oui, je ne suis pas malade, juste enceinte.

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mes tenues commençaient à me serrer et il me fallait quelques ingrédients, donc, nous avons pris le chemin de la place du village. Un étal de marchandise trônait au milieu, pile-poil ce qu’il me fallait.

    Henri est allé à l’auberge voir si des personnes étaient intéressées par ses meubles. J’en profiterai pour aller voir la couturière.

    La couturière est une bien gentille dame, elle va me faire des nouvelles jupes et m’a demandé si je savais broder. Comme je lui ai dit oui, elle m’a proposé de venir broder avec elles à l’auberge deux fois par semaine. J’irais, ça, c’est certain.

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    J’en suis à mon deuxième trimestre et ma mère me manque. En dînant, je l’ai dit à Henri et il m’a répondu de lui écrire. Leurs pères ne pourraient rien leur dire maintenant qu’ils étaient mariés et que le mariage a été consommé.
    Une fois Henri couché, j’ai écrit une lettre à ma mère.

    « Chère Maman,
    J’imagine que vous m’en voulez encore de mettre enfuie de la maison, mais il était hors de question que j’épouse un autre que Henri. Je t’avais dit que j’avais des sentiments pour lui et que c’était réciproque. J’ai fait le choix de l’amour.
    Nous nous sommes mariés et j’attends un enfant, le fruit de notre amour. Je ne voulais pas donner naissance à notre premier bébé sans vous en parler avant. J’espère juste que ma lettre arrivera avant que je n'accouche.
    Bien à toi,
    Ton Eugénie. »

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Germaine, la couturière est venue me chercher pour une petite séance broderie à l’auberge. Comme il faisait beau, nous nous sommes installées dehors. C’était plutôt pour qu’elle fasse du commérage sur les villageois qui passaient devant nous.

    Je n’aime pas du tout les commérages, mais ça me permet de connaître mes voisins. Elle ne dit rien de méchant en soi, mais je vais éviter de lui raconter ma vie privée si je veux quel reste privé.

    Henri s’est lancé dans une partie d’échecs avec un villageois, dont je me rappelle plus le nom. Lui aussi, il se fait des amis. On peut dire qu’on est bien intégré.

    Le journal d'Eugénie 1880

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Je devrais accoucher dans les jours qui viennent, je sens que mon corps change. Ce matin, alors que je me suis levée tard, Henri avait été cherché le courrier au village. Il savait que j’attendais une réponse de maman. Elle m’a répondu il y a trois semaines, le courrier est long à venir.

    « Ma Chère Enfant, je suis heureuse que tu aies la vie que tu désirais, quelque part, je t’envie. Ton père s’est calmé quand je lui ai donné ta lettre, il est ravi d’avoir un petit-enfant. Nous prenons la route pour te rejoindre, j’espère arriver avant la naissance du petit.
    Je ne sais pas combien de temps, il faut pour te rejoindre, prie juste pour qu’on arrive à temps.
    Je t’embrasse.
    Maman.»

    Ils viennent ici ! Et je n’ai pas de lit. Henri va devoir nous en faire un rapidement.

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    Malheureusement pour maman, le bébé a décidé de sortir sans les attendre. J’ai ressenti les premières douleurs dans la matinée, en milieu d’après-midi, la douleur était telle que l’envie de pousser m’a pris.
    Henri est vite parti chercher la sage-femme, mais quand elle est arrivée, le bébé était sorti.

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    Mes parents sont arrivés un mois après la naissance de Georges, maman m’a pris dans ses bras, papa est resté en retrait, il est très fier et ne me dira jamais qu’il a eu tort. Pour ma part, c’est du passé, j’aimerais juste retrouver notre complicité d’avant.

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    Après avoir nourri Georges, je suis allée me reposer, maman a pris le relais.

    Papa et Henri, ont discuté de choses et d’autres. Papa a proposé de l’argent pour réparer la maison, mais Henri n’en a pas voulu. Il n’a pas besoin d’argent, juste de mains supplémentaires. Papa a accepté de l’aider.

    Ils sont repartis une fois les travaux extérieurs finis, les murs et la toiture sont impeccable maintenant. L’intérieur est toujours spartiate, comme dirait maman, mais je décorerais petit à petit.

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    Nous avons reçu la visite du maire du village, vu qu’il avait mis son costume, j’ai su que c’était une visite officielle. Ça n’augure rien de bon de voir un officiant frapper à votre porte.

    Ils ont discuté pendant un petit moment. Henri m’a rapporté qu’il était venu lui offrir un poste d’enseignant. Au début, il n’était pas très pour accepter, mais vu nos finances, il a accepté. Franchement, ça le fait bien, femme du maître de l’école de Hendford on Bagley. Je suis si fière de lui.

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    Je peux dire que j’ai une vie épanouie, un fils, un mari que je chéris plus que tout, la réconciliation avec mon père, une belle maison qui respire le bonheur. Même si les temps sont durs, on ne pourra pas m’enlever un tel bonheur.

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