• Une nouvelle histoire - 1920

    1920

     

    Cela fait deux ans que la grande guerre est finie, le monde se remet petit à petit à vivre.

    Ma belle-mère porte toujours le deuil, elle ne veut pas le quitter de peur d’oublier son mari qu’elle aimait tant.

    Rose fréquente un jeune homme qu’elle a rencontré lors d’une visite au muséum à la grande ville. Heureusement que je n’ai pas accepté son invitation sinon, elle ne l’aurait jamais rencontré.

    Octave étudie assidûment pour entrer à l’université. Il ne sait pas encore quel métier il choisira plus tard, donc il continue d’étudier.

    Mon Joseph, mon fils, mon tout petit. Il grandit trop vite à mon goût. Il a fait sa rentrée à l’école du village me laissant à la maison la journée.

    Je l’élève seule, je n’ai jamais voulu me remettre en couple. Je pourrais, je suis encore jeune, mais je n’y arrive pas. Cela fait six ans que j’ai vu Georges pour la dernière fois, six ans déjà. 

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    Eugénie a touché une coquette somme par l’armée à la suite du décès d’Henri ainsi qu’un héritage d’un cousin éloigné. Avec cette somme, elle a fait faire quelques travaux dans la maison pour effacer à tout jamais la décennie précédente.

    Les papiers sont très jolis, très art déco, très tendance. Au début, nous avions eu du mal à nous y faire, mais finalement, c’est très beau. Elle a refait le salon aussi, fini le vieux canapé.

    Pour l’occasion, elle a fait faire le portrait familial, grande tradition depuis 1880. 

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    En ce dimanche pluvieux, Rose nous a présenté Léon Garnier, ils se sont fiancés et ils aimeraient à Hendford.
    Nous nous sommes attablés afin de discuter des préparations du mariage. Léon doit repartir pour la grande ville ce soir. Question finance, il paye tout le mariage, repas et robe. Sujet de discussion houleuse, car Eugénie tient absolument à offrir la robe de mariée de son unique fille.

    Eugénie et Léon ont le même caractère impulsif, alors quand ils ne sont pas d’accord, il vaut mieux sortir et les laisser seuls.

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    Le week-end suivant, nous sommes tous allés à Tartosa pour faire les boutiques de robe de mariée. 
    Octave et Joseph, ne voulaient pas faire les magasins, alors, ils sont allés à la plage. Comme je ne voulais pas laisser mon fils sans surveillance, je suis restée avec eux. 

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    Je me suis détendue sur une chaise longue en regardant mon fils faire un château de sable.
    J’aime bien cet endroit, il est reposant. Je songe à venir passer un week-end avec Joseph, histoire qu’on se retrouve tous les deux.

    Quand je le regarde, je vois son papa. Il me manque tellement mon Georges. Que Dieu est son âme. 

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    Quand nous sommes rentrés le dimanche en fin d’après-midi, un homme, était près de la maison. Je ne l’avais jamais vu. Cheveu trop long, barbe touffue et un cache-œil. Non, il ne me disait rien.

    J’ai fait signe à ma belle-mère et elle est rentrée avec Octave et Joseph. Rose l’a suivi.

    Je ne sais pas pourquoi je suis restée dehors. Cet homme me disait quelque chose, mais je n’arrivais pas à quoi.

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    Il avait peut-être besoin d’aide, peut-être cherchait-il un voisin. Je me suis approchée de lui. À l’instant où nos regards se sont rencontrés, j’ai su.

    Georges était là devant moi.

    « Non, criai-je, tu es mort ! »

    Alors que je m’apprêtais à faire demi-tour, il m’a parlé.

    « Antoinette, attends. »

    La détresse dans ces deux mots m’a fait m’arrêter. Il s’approcha de moi.

    « Je te croyais mort Georges, dis-je d’une voix froide. »

    Il tente de me prendre le bras, mais je me fige. Je croise mes bras pour qu’il ne me touche pas.

    « La guerre est finie depuis deux ans Georges. »

    Il acquiesça lentement, les yeux mélancoliques.

    « Je sais. »

    « Comment ça, tu sais, m’écriais-je en colère. Cela fait six ans que tu es parti, je n’ai plus de nouvelles de toi depuis la mort de ton père. Et tu imagines que je vais me contenter d’un « je sais. » »

    Mes yeux me brûlaient, les larmes que je pensais tarie depuis deux ans menaçaient une nouvelle fois de couler. 

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    Il me prit le bras.

    « Ils se sont trompés de Georges Leroy. C’est le frère de mon père qui est mort. J’ai dû aller annoncer la nouvelle à sa famille, expliqua-t-‘il doucement, moi, j’ai été grièvement blessé. J’ai perdu un œil et j’ai été à la jambe. »

    Je sentais sa détresse, il avait souffert, mais il était vivant.

    « Toutes mes lettres et la photo que je t’avais envoyée me sont revenu, murmurai-je, pour eux, tu étais mort au combat. »

    « L’hôpital a été bombardé, c’est là que mon père est mort et que j’ai perdu mon œil. Les médecins et infirmières ont pris les survivants pour nous emmener dans un lieu sûr. Mon uniforme est resté sur place près du corps de mon oncle. »

    « Mon Dieu, c’est terrible. »

    « J’ai été lâche Antoinette, je n’arrivais pas à revenir avec la tête que j’ai maintenant. »

    « Tu dis n’importe quoi Georges, si tu savais combien j’ai été malheureuse quand on m’a annoncé ta mort. Mais tu es là. Merci mon Dieu. »

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    « Je vais avoir besoin de temps Antoinette, je fais encore beaucoup de cauchemars et il m’arrive d’être maussade. »

    Je le pris dans mes bras.

    « On prendra le temps, vient, je dois te présenter ton fils. »

    « Je risque de lui faire peur, chuchota Georges. »

    J’ai éclaté de rire.

    « Aucun risque, il adore jouer au pirate dans la cabane. »

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    Cela fait cinq mois que Georges est revenu. Nous sommes de nouveau un couple heureux. Il dort dans le lit conjugal depuis deux mois environ, il fait toujours des cauchemars, se réveillant la nuit en hurlant. Je le calme autant que je peux, un médecin serait plus à même de l’aider, mais rien à faire, il ne veut pas en entendre parler.

    Joseph est ravi d’avoir son papa le soir quand il revient de l’école. Je suis tellement heureuse de les voir ensemble.

    Comme je lui avais dit, Joseph n’a jamais eu peur de son cache-œil, il prend son père pour un pirate et ils jouent ensemble dans la cabane.

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    Le samedi suivant, c’était le grand jour, le mariage de Rose et Léon. Finalement, la cérémonie s’est faite à la maison, Georges n’était pas encore prêt pour voir du monde.

    Rose et Léon ont prononcé leurs vœux dans le jardin. Nous avions décoré le lieu pour l’occasion. Georges, Joseph et Octave ont fabriqué une arche de mariage tout en verdure et marguerites.

    Eugénie et moi, nous avons installé tables et chaises. C’était vraiment romantique. 

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     Depuis le mariage de Rose, je ne me sens pas très bien. J’imagine que tous ces préparatifs y sont pour beaucoup.

    Georges a trouvé un emploi dans un cabinet d’avocats. Il y a eu une grosse dispute entre Eugénie et lui, elle voulait qu’il termine ses études de médecin et lui ne veut plus en entendre parler. Depuis, ils ne se parlent plus.

    Eugénie passe son temps à entretenir le potager d’Henri et parfois, je la vois parler à l’épouvantail comme si elle parlait à feu son mari. Elle m’inquiète vraiment. 

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    Il m’arrive de trouver ma vie monotone, tous les jours se ressemblent, les corvées, le tricot, le point de croix et la peinture. Je dois avouer que parfois, je m’ennuie.

    Autant que j’en profite maintenant, car après l’arrivée du bébé, j’aurais moins de temps.

    Octave a eu son certificat d’études en avance, comme Georges et Rose. J’espère que mes enfants seront aussi studieux, voire trop studieux, ils en ont oublié les joies d’être un enfant. 

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    D’ailleurs, en parlant d’enfant, Joseph n’est pas rentré en même temps que son oncle. Octave m’annonce qu’il était parti se baigner à la rivière. Je suis donc sortie pour ramener ma progéniture à sa table de travail.

    Quand j’arrive près de la rivière, je le vois jouer dans le petit parc. Je lui dis qu’il va bientôt faire nuit et qu’il doit rentrer faire ses leçons.

    Ce petit être, haut comme trois pommes, ne veut pas faire ses devoirs. Il veut quitter l’école et partir sur un bateau pirate avec son père. J’en aurais ri, mais je n’aurais pas été crédible.

    J’ai ramené ce jeune freluquet à la maison et je l’ai installé sur la table de la salle à manger avec son cahier de leçon.

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    Dernier jour d’été et il fait déjà un temps d’automne. Le week-end s’annonce long.

    Joseph commence à marmonner contre la pluie. Ce n’est pas un enfant calme, il est très turbulent. Georges lui a proposé de lui apprendre les échecs, mais rien que d’avoir entendu le mot « apprendre », il a boudé.

    Eugénie et moi, nous terminons les ouvrages pour l’arrivée prochaine de notre deuxième petit. Elle est plus que ravie de cette naissance.

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    Nous avons eu trois anniversaires cette semaine, Eugénie, Georges et Octave. Mémé était un peu triste, son petit dernier avait quitté le nid pour poursuivre ses études universitaires.

    Il s’est installé chez sa tante Victorine à Willow Creek, et du coup pas loin du frère d’Eugénie. 

    Il ne veut pas se marier, du moins pas pour l’instant. Eugénie a dit qu’elle irait passer quelques jours là-bas après la naissance du bébé.

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    Le travail a commencé aux premières lueurs de l’aube. J’ai donné naissance a une adorable petite fille. Alice Eugénie Leroy.

    Avec l’aide d’Eugénie et Octave, Georges a refait la nurserie. C’est beaucoup plus lumineux.

    Alice porte fièrement la grenouillère tricotée par sa grand-maman. Ah oui, il faut que je m’habitue à appeler Eugénie grand-maman et pas mémé, comme j’appelais ma grand-mère.

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    Quand Joseph a été autorisé à rencontrer sa petite sœur, il n’a pas été très content.

    D’une part, il voulait un petit frère et de plus, il aurait préféré être enfant unique. Eugénie m’a dit que c’était courant chez les premiers-nés, mais que cela lui passerait, qu’il faudrait du temps pour qu’ils s’apprivoisent tous les deux.

    Moi, je suis un peu fatiguée, la grossesse a été pesante vu que c’était un gros bébé. J’ai bien cru que je n’arriverais jamais à la faire sortir.

    Comme pour Joseph, je la nourris et Eugénie s’occupe du reste, sauf la nuit, je ne veux pas la déranger, du coup, je me repose la journée.

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    11 Novembre, aujourd’hui nous avons été à la messe commémorative en famille. Rose et Octave sont venus se recueillir sur la tombe de leur papa mort au combat.

    Joseph, qui s’était assis à côté de son oncle, a posé pleins de questions sur la guerre. Octave lui a répondu en chuchotant.

    Je me suis mariée dans cette chapelle, c’était un jour de bonheur, aujourd’hui c’est un lieu de recueillement. On remercie Dieu d’avoir épargné bon nombre de soldat. Moi-même, je le remercie de m’avoir rendu mon Georges.

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    Alice a un an, le temps passe vraiment trop vite. Mon petit bébé sage va commencer à apprendre à se déplacer, à découvrir et avant que je dise « ouf » elle ira à l’école. Nostalgie, quand tu prends possession de mon âme.

    Une adorable poupée qui a mes cheveux et mes yeux. Elle est très calme, mais préfère être dans mes bras. Dès que je la pose dans son lit ou sur le tapis, elle devient vite colérique. 

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    Georges a passé l’examen d’avocat, il aime son nouveau métier, même s’il a un peu de mal avec la machine à écrire. Je me suis proposé de lui taper ses documents, mais il préfère gérer tout seul.

    Nous avons inscrit Joseph chez les scouts, c’est le meilleur moyen de lui montrer que l’on n’a pas tout en claquant des doigts.

    Comme nous sommes « aisés », il croit que tout lui est dû. Il a piqué une crise quand il a demandé de nouveaux jouets et que Georges lui a dit non.

    Eugénie a fini son deuil, pas qu’elle ne pense plus à Henri, mais elle vit différemment. Elle a décidé d’aller séjourner chez Rose et Louis, comme Rose va avoir un petit. Même si Alice ne fait toujours pas ses nuits, j’arrive à gérer. 

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    Notre Alice évolue très bien, elle se retourne toute seule et joue avec des jouets. Comme elle a deux petites quenottes, je suis passée à la nourriture solide, c’est moins douloureux.

    Eugénie partis chez Rose aujourd’hui, elle souhait que l’on entretienne le potager de Henri. Je ne sais pas si moi, j’aurais le temps, entre l’entretien de la maison, la lessive et Alice, mais je lui ai promis que Georges s’en occuperait.

    Joseph est entré dans l’âge pré-adolescent, il fait du grand n’importe quoi. Il part à l’école sans avoir fait ses devoirs, perturbe la classe. La maîtresse est passée nous voir. Heureusement, Georges n’était pas là, sinon il aurait encore élevé la voix et ça, je n’aime pas du tout.

    Joseph a eu le manque de son père pendant toute sa petite enfance, je ne veux pas qu’il prenne son papa en grippe. 

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    Demain, nous fêterons l'anniversaire de Joseph, qui mettra un terme à cette décennie. 

     

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