• 1910

     

    Georges a demandé la main d’Antoinette, je suis tellement heureuse, je l’aime beaucoup cette jeune fille.

    Henri, Georges et moi, avons eu une conversation plutôt houleuse au sujet de la dot d’Antoinette. Comme le veux l’usage, la jeune fille apporte une dot avec elle lors de son emménagement. Georges est contre sa famille a besoin de cet argent. Depuis le décès du père, la maman a du mal à entretenir le foyer. Dans sa logique, Georges aurait dû emménager avec eux, mais Henri a été catégorique, c’est lui le fils aîné et il doit rester ici, que sa logique n’est pas celle qui doit être. La jeune fille emménage chez son mari et pas l’inverse.

    Je les ai laissé se disputer. Il est vrai que les temps changent, mais je suis du côté d’Henri. Antoinette doit s’installer chez nous, c’est plus dans l’ordre des choses. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Je ne sais pas pourquoi Georges et Antoinette voulaient se marier si vite, mais c’est le cas. Une semaine après leurs fiançailles, Georges a publié les bans à la mairie. La date est fixée, les noces auront lieu ce samedi.
    Cela me laisse trois jours pour briquer la maison. Je n’aimerais pas que la femme de feu Monsieur le Maire, trouve ma maison sale.

    J’ai confectionné la pièce montée aux couleurs choisie par Antoinette. Elle m’a aidé pour la décoration, j’aime bien cette petite, elle s’intéresse à beaucoup de choses et elle écoute ce que je lui apprends. Elle n’est pas impatiente comme Rose.

    Rose est pressée d’avoir une « grande sœur » à la maison, elle en avait un peu marre de ses frères. Ils font beaucoup de choses ensembles, comme aller à la pêche, nager dans la rivière, jouer aux fers-à-cheval. J’ai beau lui dire qu’une jeune fille ne doit pas faire tout ça, qu’elle devrait broder ou jouer du piano, mais non, elle préfère chasser les grenouilles avec Octave et Georges. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le vendredi soir, bien après l’heure du coucher, j’ai trouvé Georges dans la salle de peintures. Il était nerveux, je le voyais dans ses coups de pinceau.

    C’est là qu’il m’a avoué qu'Antoinette et lui avait consommé avant le mariage. D’un coup, j’ai compris pourquoi cette précipitation. Ils avaient peur qu’elle soit enceinte avant d’être mariée. Si Henri savait un tel secret, pour sûr, il ferait trembler la maison tout entière.

    Nous avons inculqué certaines valeurs à nos enfants, et ça, ça en fait partie. Je suis un peu déçu de Georges et encore plus d’Antoinette, mais je le garde pour moi, tout comme ce secret restera entre Georges et moi.
    Demain, nous les marierons et advienne que pourra. 

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    Le grand jour est arrivé. Antoinette était un peu triste de l’absence de sa maman et de son frère. Même s’ils avaient une relation conflictuelle, le mariage de son enfant est un moment merveilleux. Je dis ça, mais nous nous sommes mariés en catimini.

    La cérémonie était très émouvante et belle. Le soleil n’était pas au rendez-vous, mais c’était fait. Si Antoinette est enceinte, elle est mariée maintenant. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Henri a montré sa déception quand la maman d’Antoinette et son beau-père sont arrivés à la maison pour le repas de noces.

    Antoinette a snobé sa maman et s’est enfuie dans la chambre de Georges en pleurant. Pauvre petite. Je lui ai bien fait comprendre que sa famille, c’était nous dorénavant, elle aura toujours sa maman dans sa vie, mais honnêtement, pour ne pas venir au mariage de sa fille, elle ne vaut même pas la peine que je bataille pour lui trouver des excuses. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Cela fait un mois que Georges et Antoinette sont mariés et effectivement, un bébé est en route. Il n’y a que ma belle-fille et moi qui sommes au courant, elle préfère attendre un peu que la phase critique soit passée. Je n’ai jamais fait attention à ça, mais il est vrai qu’elle est frêle.

    Alors que j’enseignais les bases du tricot à Antoinette, mon oreille s’est attardée sur les mots de Henri qui discute politique et guerre avec Georges. J’espère qu’il n’y aura pas de guerre, je n’aime pas la violence.
    Quand Georges est sorti, j’ai jeté un œil à Henri. Nous nous sommes regardés un moment dans les yeux, et j’ai su que bientôt nos vies allaient changer. 

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    Même s’ils se sont enfermés dans la chambre de Rose, j’ai entendu Henri et Georges se disputer au sujet de la politique.

    Les nouvelles ne sont pas bonnes, tout le monde en parle au village, mais rien n’est officiel et moi, je ne retiens que ça.

    J’insiste pour que ma bru dise à mon fils qu’il va être papa, mais elle veut encore attendre. Comme je ne veux pas faire peur aux filles et surtout à mon Octave, je ne lui ai pas parlé des nouvelles qui courent partout. J’aimerais juste que mon fils soit au courant qu’il va avoir un héritier si les choses s’enveniment. 

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    Elle lui a annoncé la nouvelle avant la fin de troisième trimestre. Mis à part des nausées matinales, tout se passait bien.

    Georges a été ravi de cette nouvelle, il espère avoir une petite fille qui ressemble à sa maman. Henri et moi, nous préférons un héritier. Dame nature fera son choix.

    Rose a briqué la nurserie, savoir qu’elle va être tante la ravit. Octave s’en moque un peu, lui à part la pêche et les activités en plein air, rien d’autre ne l’intéresse. 

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    Antoinette en était à son deuxième trimestre quand mon frère Arthur est venu pour annoncer que la guerre était déclarée à Henri. La fin du monde pour moi, de mon monde plus précisément. Mon époux, mon fils et mon frère vont devoir aller faire la guerre et risquer leurs vies.

    Je suis abattue. Comment annoncer à mes enfants que leur papa et leur frère vont quitter la maison pour

    un moment ?

    Comment allons nous gérer la maison sans les garçons ? Mon Dieu, je n’arrive plus à penser.
    Leur départ est prévu pour la veille de Noël, cette jolie fête de la nativité qu’on affectionne particulièrement va être, une journée, morose pour nous. Et mon Octave qui fête son anniversaire le jour de Noël, quel triste anniversaire pour lui sans son papa et son frère. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mes larmes coulent sur mon cahier créant des taches d’encre, mais je m’en fiche, qui lira ce journal de toute façon.
    Il faut que je me ressaisisse, je dois être forte pour ma famille. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    La veille de leur départ au front, Georges a emmené son épouse faire un tour et être un peu seul. Il est vrai que la maison est remplie et en effervescence, les petits se posent énormément de question, Henri doit leur répondre, mais sans trop savoir.

    Antoinette est anxieuse, elle vient d’arriver dans notre famille et ne se sent pas entièrement chez elle. Georges lui a fait la promesse qu’il reviendrait bientôt. Mon tendre fils, ne fait pas des promesses dont tu n’es pas certain de les tenir.

    J’ai profité de leurs absences pour passer un moment avec Henri. Nous avons besoin de nous retrouver avant son départ. J’espère qu’il va revenir, oh mon Dieu, faites qu’il revienne. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Vers cinq heures du matin, Henri et Georges nous ont pris dans leurs bras. Le départ était difficile pour tout le monde, surtout pour Georges qui ne serait pas là pour la naissance de notre petit-enfant.

    Je pris un moment pour regarder mes hommes partir en guerre parce qu’ils n’ont pas le choix, j’ai souri à Henri pour lui montrer que je serais forte en son absence et il m’a pris dans ses bras de nouveau en me chuchotant qu’ils vont revenir bientôt. Que Dieu t’entende mon amour, que Dieu t’entende.

    Ils sont sortis dans le froid et au lever du jour. Nous les avons regardés par la fenêtre et nous sommes restées là jusqu’à ce que leurs silhouettes disparaissent dans la brume d’hiver.

    Antoinette pleurait en silence, je l’ai pris dans mes bras pour la consoler. Intérieurement, je suis dans le même état qu’elle, mais je dois être forte pour ma famille. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Dans la matinée, je suis allée au marché, il y avait un moment que je n’y étais pas allée. La vendeuse m’a dit que tous les hommes en âge de se battre, étaient partis au front. Son livreur est parti aussi.

    Il va falloir que tout le monde s’habitue, on ne sait pas quand cela finira.

    Je prends mes denrées manquantes et elle me propose de racheter mon surplus de légumes si j’en ai. Je réponds par l’affirmative, mais je sais que je dois d’abord penser à ma famille.

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Quand je suis rentrée, les filles étaient occupées à peindre des toiles, je ne sais pas si ça nous rapportera de l’argent pendant ces temps difficiles, mais au moins, ça les occupe.

    J’imagine qu'Antoinette doit avoir le cœur lourd, donner naissance à son premier enfant ce n’est pas évident, mais le faire sans son mari, c’est encore pire. Au moins, je serais là, elle ne sera pas seule.

    J’ai prévenu sa mère, mais elle ne m’a pas donné réponse. Henri avait raison, depuis qu’elle a eu une petite fille avec son second époux, Antoinette ne compte plus. J’ai du mal à comprendre ces mères qui rejettent leur enfant. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Nous sommes le jour de Noël, encore une fois mon Octave se pose des questions, pourquoi nous ne fêtons pas Noël cette année ? Quand est-ce que son père et son frère vont revenir ?

    Il est tellement innocent, je tente de lui expliquer avec mes mots que cette année nous n’avons pas le cœur à faire la fête, que nos pensées ont accompagné Henri et Georges.

    Ce n’est pas facile pour lui, le seul homme de la maison, il s’ennuie.

    Demain, je vais aller au village avec lui, il pourra sûrement trouver un enfant de son âge et vivre sa vie d’enfant. 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les premières contractions sont apparues vers minuit, Antoinette s’est réfugiée dans la nurserie afin de souffrir en silence.

    Dès que j’ai entendu son premier cri de douleur, j’ai accouru pour la seconder. Mon Dieu, faites que tout se passe bien.
    Je lui massais le dos et respirais en même temps qu’elle. Je la rassurais du mieux que je pouvais, elle était frêle et n’avait pas le corps pour enfanter. Nous allions y arriver.

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Mon petit-fils est né en plein milieu de la nuit, finalement, Antoinette s’est bien débrouillée. Elle a donné naissance à un petit garçon. Joseph Georges Henri Leroy.

    Je suis tellement fière de cette nouvelle génération et d’être grand-maman.

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    Nous nous relayions avec Antoinette pour qu’elle puisse se reposer au maximum. Elle l’allaite et je m’occupe du change et de le bercer. Je suis déjà très attachée à ce petit bout. Il ressemble à son papa, mais c’est difficile à dire à cet âge-là.

    Les prochaines nuits vont être courtes pour nous deux, mais nous allons y arriver, j’y suis bien arrivée trois fois.

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    Nous avons quand même fêté l’anniversaire d’Octave à défaut de fêter Noël. Ça y est, mon dernier-né est devenu un jeune adolescent. Je pris les dieux pour la guerre se termine avant qu’il ne soit un jeune homme. Pourvu qu’il ne soit pas enrôlé dans cette guerre.

    Rose fréquente un jeune homme du village voisin qui vient aider les personnes âgées. Je les ai vu discuter près de la rivière. Il m’a l’air bien. Elle ne m’a encore rien dit et j’attendrais qu’elle m’en parle, mais comme il aide son prochain, il ne peut être que bien pour elle.

    Antoinette pleure le soir dans sa chambre, le matin, elle a les yeux bouffis. Même si elle me dit que les nuits avec Joseph sont dures, je sais que mon Georges lui manque comme Henri me manque. Je lui ai dit d’écrire à mon fils, ça lui fera du bien de savoir qu’il a un fils. 

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    Un officier a frappé à notre porte à la tombée de la nuit, je savais qu’il était arrivé quelque chose de grave, sinon, il ne serait pas là.

    J’ai ouvert la porte et je l’ai refermé derrière moi. Mon Henri n’était plus, il nous avait quitté. Le chagrin m’a pris la poitrine, je n’arrivais plus à regarder l’officier qui était devant moi. Il a posé sa main sur mon bras et il a ajouté, «votre fils Georges est grièvement blessé, mais vivant. »

    Cela me console un peu, la chair de ma chair était toujours en vie. Je le remercie d’un signe de tête et je reste sur le perron. Je vois la silhouette disparaître dans la nuit froide de l’hiver petit à petit.
    Comment vais-je annoncer cette tragédie à mes enfants et à ma bru ?

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    Il aura fallu plusieurs semaines avant que la dépouille de mon époux n’arrive à Hendford. L’enterrement fut simple vu le nombre de victimes dans notre village.

    Rose et Octave m’ont accompagné, ils voulaient dire un dernier au revoir à leur papa. Antoinette n’est pas venue, pas qu’elle ne voulait pas, mais Joseph est beaucoup trop petit pour assister à la dépose du cercueil dans la tombe. Plus tard, je lui dirai tout sur son grand-papa, quand il sera en âge de comprendre mes mots. 

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    Notre Joseph est le rayon de soleil de la maison. Maintenant, qu’il marche, il suit son oncle Octave partout. C’est la seule figure paternelle qu’il voit à la maison.

    Nous n’avons toujours pas de nouvelles de Georges. J’ai beau écrire encore et encore aux généraux pour savoir où se trouve mon fils, mais rien. Aucune nouvelle. Il lui est arrivé quelque chose de grave, je sens au fond de mon cœur. 

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    La fin de la guerre a été annoncée. Tous les journaux en parlent. Les hommes vont rentrer et j’espère voir Georges arriver à la maison.

    Octave est rentré de l’école avec un journal. Il l’a montré à tout le monde avec un grand sourire mais aussi un peu de tristesse dans le regard. Son papa avait péri à cette guerre.

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    Mon frère est arrivé devant chez nous deux semaines après la fin de la guerre. J’étais tellement heureuse de le voir.

    Il demande à parler à Antoinette et je sais que le sujet est grave. Il est arrivé quelque chose à Georges. Il ne veut rien me dire tant qu’il n’a pas remis un pli confidentiel à ma bru.

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    Antoinette et lui sont sortis pour discuter. J’ai été couché, Joseph. Par la fenêtre de la chambre d’Octave, j’ai vu ma bru pleurer. Les larmes ont commencé à couler sur mes joues, mon cœur s’est mis à saigner de l’intérieur.
    Mon fils est mort.

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    Les jours ont passé, le deuil se tarit, mais le chagrin reste toujours présent au fond de nous. Rose est devenue une jeune femme pleine d’ambitions.

    Je sais qu’elle fréquentait un jeune garçon, mais depuis le décès d’Henri, elle reste cloîtrer à la maison. Je rêve d’être de nouvelles grand-mères et je sais que ce ne sera plus possible avec Antoinette.

    Parfois, je me dis que ma vie un soupçon d’inachevé. Je me sens seule sans l’être vraiment. Mes amies du village me disent qu’il faut que je me remarie, mais je n’y arrive pas, j’ai toujours Henri dans mon cœur. 

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    Notre Joseph, en soufflant ses bougies, met un terme à cette décennie cruelle.

    Il ressemble tant à son papa que quand je le regarde, les larmes me montent. Il est ma joie et mon soleil. Nous faisons beaucoup de choses ensemble. Petit, il me demandait toujours de lire des livres. Il s’asseyait sur le tapis et m’écoutait raconter les histoires.

    J’espère toujours avoir ses moments et je sais que je les aurais, il est tellement demandeur et indépendant à la fois.
    Je vais clore mon journal à cet endroit, en le commençant, je voulais y coucher ma belle histoire d’amour avec Henri, mais vu qu’il est parti trop tôt, je n’en sens plus le désir. Je passe la main à ma bru. 

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    Portrait de famille 

    Le journal d'Eugénie 1910

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Voici la correspondance entre Antoinette et Georges pendant la guerre. 

     

    Correspondance entre Georges et Antoinette pendant la guerre


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  • 1920

     

    Cela fait deux ans que la grande guerre est finie, le monde se remet petit à petit à vivre.

    Ma belle-mère porte toujours le deuil, elle ne veut pas le quitter de peur d’oublier son mari qu’elle aimait tant.

    Rose fréquente un jeune homme qu’elle a rencontré lors d’une visite au muséum à la grande ville. Heureusement que je n’ai pas accepté son invitation sinon, elle ne l’aurait jamais rencontré.

    Octave étudie assidûment pour entrer à l’université. Il ne sait pas encore quel métier il choisira plus tard, donc il continue d’étudier.

    Mon Joseph, mon fils, mon tout petit. Il grandit trop vite à mon goût. Il a fait sa rentrée à l’école du village me laissant à la maison la journée.

    Je l’élève seule, je n’ai jamais voulu me remettre en couple. Je pourrais, je suis encore jeune, mais je n’y arrive pas. Cela fait six ans que j’ai vu Georges pour la dernière fois, six ans déjà. 

    Une nouvelle histoire - 1920

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Eugénie a touché une coquette somme par l’armée à la suite du décès d’Henri ainsi qu’un héritage d’un cousin éloigné. Avec cette somme, elle a fait faire quelques travaux dans la maison pour effacer à tout jamais la décennie précédente.

    Les papiers sont très jolis, très art déco, très tendance. Au début, nous avions eu du mal à nous y faire, mais finalement, c’est très beau. Elle a refait le salon aussi, fini le vieux canapé.

    Pour l’occasion, elle a fait faire le portrait familial, grande tradition depuis 1880. 

    Une nouvelle histoire - 1920

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    En ce dimanche pluvieux, Rose nous a présenté Léon Garnier, ils se sont fiancés et ils aimeraient à Hendford.
    Nous nous sommes attablés afin de discuter des préparations du mariage. Léon doit repartir pour la grande ville ce soir. Question finance, il paye tout le mariage, repas et robe. Sujet de discussion houleuse, car Eugénie tient absolument à offrir la robe de mariée de son unique fille.

    Eugénie et Léon ont le même caractère impulsif, alors quand ils ne sont pas d’accord, il vaut mieux sortir et les laisser seuls.

    Une nouvelle histoire - 1920

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Le week-end suivant, nous sommes tous allés à Tartosa pour faire les boutiques de robe de mariée. 
    Octave et Joseph, ne voulaient pas faire les magasins, alors, ils sont allés à la plage. Comme je ne voulais pas laisser mon fils sans surveillance, je suis restée avec eux. 

    Une nouvelle histoire - 1920

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Je me suis détendue sur une chaise longue en regardant mon fils faire un château de sable.
    J’aime bien cet endroit, il est reposant. Je songe à venir passer un week-end avec Joseph, histoire qu’on se retrouve tous les deux.

    Quand je le regarde, je vois son papa. Il me manque tellement mon Georges. Que Dieu est son âme. 

    Une nouvelle histoire - 1920

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Quand nous sommes rentrés le dimanche en fin d’après-midi, un homme, était près de la maison. Je ne l’avais jamais vu. Cheveu trop long, barbe touffue et un cache-œil. Non, il ne me disait rien.

    J’ai fait signe à ma belle-mère et elle est rentrée avec Octave et Joseph. Rose l’a suivi.

    Je ne sais pas pourquoi je suis restée dehors. Cet homme me disait quelque chose, mais je n’arrivais pas à quoi.

    Une nouvelle histoire - 1920

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Il avait peut-être besoin d’aide, peut-être cherchait-il un voisin. Je me suis approchée de lui. À l’instant où nos regards se sont rencontrés, j’ai su.

    Georges était là devant moi.

    « Non, criai-je, tu es mort ! »

    Alors que je m’apprêtais à faire demi-tour, il m’a parlé.

    « Antoinette, attends. »

    La détresse dans ces deux mots m’a fait m’arrêter. Il s’approcha de moi.

    « Je te croyais mort Georges, dis-je d’une voix froide. »

    Il tente de me prendre le bras, mais je me fige. Je croise mes bras pour qu’il ne me touche pas.

    « La guerre est finie depuis deux ans Georges. »

    Il acquiesça lentement, les yeux mélancoliques.

    « Je sais. »

    « Comment ça, tu sais, m’écriais-je en colère. Cela fait six ans que tu es parti, je n’ai plus de nouvelles de toi depuis la mort de ton père. Et tu imagines que je vais me contenter d’un « je sais. » »

    Mes yeux me brûlaient, les larmes que je pensais tarie depuis deux ans menaçaient une nouvelle fois de couler. 

    Une nouvelle histoire - 1920

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Il me prit le bras.

    « Ils se sont trompés de Georges Leroy. C’est le frère de mon père qui est mort. J’ai dû aller annoncer la nouvelle à sa famille, expliqua-t-‘il doucement, moi, j’ai été grièvement blessé. J’ai perdu un œil et j’ai été à la jambe. »

    Je sentais sa détresse, il avait souffert, mais il était vivant.

    « Toutes mes lettres et la photo que je t’avais envoyée me sont revenu, murmurai-je, pour eux, tu étais mort au combat. »

    « L’hôpital a été bombardé, c’est là que mon père est mort et que j’ai perdu mon œil. Les médecins et infirmières ont pris les survivants pour nous emmener dans un lieu sûr. Mon uniforme est resté sur place près du corps de mon oncle. »

    « Mon Dieu, c’est terrible. »

    « J’ai été lâche Antoinette, je n’arrivais pas à revenir avec la tête que j’ai maintenant. »

    « Tu dis n’importe quoi Georges, si tu savais combien j’ai été malheureuse quand on m’a annoncé ta mort. Mais tu es là. Merci mon Dieu. »

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    « Je vais avoir besoin de temps Antoinette, je fais encore beaucoup de cauchemars et il m’arrive d’être maussade. »

    Je le pris dans mes bras.

    « On prendra le temps, vient, je dois te présenter ton fils. »

    « Je risque de lui faire peur, chuchota Georges. »

    J’ai éclaté de rire.

    « Aucun risque, il adore jouer au pirate dans la cabane. »

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    Cela fait cinq mois que Georges est revenu. Nous sommes de nouveau un couple heureux. Il dort dans le lit conjugal depuis deux mois environ, il fait toujours des cauchemars, se réveillant la nuit en hurlant. Je le calme autant que je peux, un médecin serait plus à même de l’aider, mais rien à faire, il ne veut pas en entendre parler.

    Joseph est ravi d’avoir son papa le soir quand il revient de l’école. Je suis tellement heureuse de les voir ensemble.

    Comme je lui avais dit, Joseph n’a jamais eu peur de son cache-œil, il prend son père pour un pirate et ils jouent ensemble dans la cabane.

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    Le samedi suivant, c’était le grand jour, le mariage de Rose et Léon. Finalement, la cérémonie s’est faite à la maison, Georges n’était pas encore prêt pour voir du monde.

    Rose et Léon ont prononcé leurs vœux dans le jardin. Nous avions décoré le lieu pour l’occasion. Georges, Joseph et Octave ont fabriqué une arche de mariage tout en verdure et marguerites.

    Eugénie et moi, nous avons installé tables et chaises. C’était vraiment romantique. 

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     Depuis le mariage de Rose, je ne me sens pas très bien. J’imagine que tous ces préparatifs y sont pour beaucoup.

    Georges a trouvé un emploi dans un cabinet d’avocats. Il y a eu une grosse dispute entre Eugénie et lui, elle voulait qu’il termine ses études de médecin et lui ne veut plus en entendre parler. Depuis, ils ne se parlent plus.

    Eugénie passe son temps à entretenir le potager d’Henri et parfois, je la vois parler à l’épouvantail comme si elle parlait à feu son mari. Elle m’inquiète vraiment. 

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    Il m’arrive de trouver ma vie monotone, tous les jours se ressemblent, les corvées, le tricot, le point de croix et la peinture. Je dois avouer que parfois, je m’ennuie.

    Autant que j’en profite maintenant, car après l’arrivée du bébé, j’aurais moins de temps.

    Octave a eu son certificat d’études en avance, comme Georges et Rose. J’espère que mes enfants seront aussi studieux, voire trop studieux, ils en ont oublié les joies d’être un enfant. 

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    D’ailleurs, en parlant d’enfant, Joseph n’est pas rentré en même temps que son oncle. Octave m’annonce qu’il était parti se baigner à la rivière. Je suis donc sortie pour ramener ma progéniture à sa table de travail.

    Quand j’arrive près de la rivière, je le vois jouer dans le petit parc. Je lui dis qu’il va bientôt faire nuit et qu’il doit rentrer faire ses leçons.

    Ce petit être, haut comme trois pommes, ne veut pas faire ses devoirs. Il veut quitter l’école et partir sur un bateau pirate avec son père. J’en aurais ri, mais je n’aurais pas été crédible.

    J’ai ramené ce jeune freluquet à la maison et je l’ai installé sur la table de la salle à manger avec son cahier de leçon.

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    Dernier jour d’été et il fait déjà un temps d’automne. Le week-end s’annonce long.

    Joseph commence à marmonner contre la pluie. Ce n’est pas un enfant calme, il est très turbulent. Georges lui a proposé de lui apprendre les échecs, mais rien que d’avoir entendu le mot « apprendre », il a boudé.

    Eugénie et moi, nous terminons les ouvrages pour l’arrivée prochaine de notre deuxième petit. Elle est plus que ravie de cette naissance.

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    Nous avons eu trois anniversaires cette semaine, Eugénie, Georges et Octave. Mémé était un peu triste, son petit dernier avait quitté le nid pour poursuivre ses études universitaires.

    Il s’est installé chez sa tante Victorine à Willow Creek, et du coup pas loin du frère d’Eugénie. 

    Il ne veut pas se marier, du moins pas pour l’instant. Eugénie a dit qu’elle irait passer quelques jours là-bas après la naissance du bébé.

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    Le travail a commencé aux premières lueurs de l’aube. J’ai donné naissance a une adorable petite fille. Alice Eugénie Leroy.

    Avec l’aide d’Eugénie et Octave, Georges a refait la nurserie. C’est beaucoup plus lumineux.

    Alice porte fièrement la grenouillère tricotée par sa grand-maman. Ah oui, il faut que je m’habitue à appeler Eugénie grand-maman et pas mémé, comme j’appelais ma grand-mère.

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    Quand Joseph a été autorisé à rencontrer sa petite sœur, il n’a pas été très content.

    D’une part, il voulait un petit frère et de plus, il aurait préféré être enfant unique. Eugénie m’a dit que c’était courant chez les premiers-nés, mais que cela lui passerait, qu’il faudrait du temps pour qu’ils s’apprivoisent tous les deux.

    Moi, je suis un peu fatiguée, la grossesse a été pesante vu que c’était un gros bébé. J’ai bien cru que je n’arriverais jamais à la faire sortir.

    Comme pour Joseph, je la nourris et Eugénie s’occupe du reste, sauf la nuit, je ne veux pas la déranger, du coup, je me repose la journée.

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    11 Novembre, aujourd’hui nous avons été à la messe commémorative en famille. Rose et Octave sont venus se recueillir sur la tombe de leur papa mort au combat.

    Joseph, qui s’était assis à côté de son oncle, a posé pleins de questions sur la guerre. Octave lui a répondu en chuchotant.

    Je me suis mariée dans cette chapelle, c’était un jour de bonheur, aujourd’hui c’est un lieu de recueillement. On remercie Dieu d’avoir épargné bon nombre de soldat. Moi-même, je le remercie de m’avoir rendu mon Georges.

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    Alice a un an, le temps passe vraiment trop vite. Mon petit bébé sage va commencer à apprendre à se déplacer, à découvrir et avant que je dise « ouf » elle ira à l’école. Nostalgie, quand tu prends possession de mon âme.

    Une adorable poupée qui a mes cheveux et mes yeux. Elle est très calme, mais préfère être dans mes bras. Dès que je la pose dans son lit ou sur le tapis, elle devient vite colérique. 

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    Georges a passé l’examen d’avocat, il aime son nouveau métier, même s’il a un peu de mal avec la machine à écrire. Je me suis proposé de lui taper ses documents, mais il préfère gérer tout seul.

    Nous avons inscrit Joseph chez les scouts, c’est le meilleur moyen de lui montrer que l’on n’a pas tout en claquant des doigts.

    Comme nous sommes « aisés », il croit que tout lui est dû. Il a piqué une crise quand il a demandé de nouveaux jouets et que Georges lui a dit non.

    Eugénie a fini son deuil, pas qu’elle ne pense plus à Henri, mais elle vit différemment. Elle a décidé d’aller séjourner chez Rose et Louis, comme Rose va avoir un petit. Même si Alice ne fait toujours pas ses nuits, j’arrive à gérer. 

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    Notre Alice évolue très bien, elle se retourne toute seule et joue avec des jouets. Comme elle a deux petites quenottes, je suis passée à la nourriture solide, c’est moins douloureux.

    Eugénie partis chez Rose aujourd’hui, elle souhait que l’on entretienne le potager de Henri. Je ne sais pas si moi, j’aurais le temps, entre l’entretien de la maison, la lessive et Alice, mais je lui ai promis que Georges s’en occuperait.

    Joseph est entré dans l’âge pré-adolescent, il fait du grand n’importe quoi. Il part à l’école sans avoir fait ses devoirs, perturbe la classe. La maîtresse est passée nous voir. Heureusement, Georges n’était pas là, sinon il aurait encore élevé la voix et ça, je n’aime pas du tout.

    Joseph a eu le manque de son père pendant toute sa petite enfance, je ne veux pas qu’il prenne son papa en grippe. 

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    Demain, nous fêterons l'anniversaire de Joseph, qui mettra un terme à cette décennie. 

     

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    1930

     

    Nous avons fêté l'anniversaire de Joseph, il est entré dans l'adolescence, j'espère qu'il sera plus assidu dans ses devoirs. 

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    Mémé est revenue, elle n'a pas aimé la grande ville. 

    Pour fêter son anniversaire, Alice lui a montré comment elle marchait bien à quatre pattes. 

    De son côté Georges me faire un burn-out, entre le travail et l'entretien du potager, il ne sait plus où donner de la tête. 

    Quant à moi, mon envie d'un nouveau bébé me trotte dans la tête toute la journée. Alice grandit trop vite. 

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    Georges n'allait vraiment pas bien, je le voyais morose. Quand un soir, lui ai posé la question, il m'a tout avoué. 
    C'était la grande dépression, un krach boursier a eu lieu au Etats-Unis, tous nos avoirs ont été engloutis par la banque. Comme il n'arrivait pas à rembourser l'emprunt contracté pour faire les travaux, la banque a saisi nos comptes. Nous n'avons plus que la maison et nos meubles.

    Cerise sur le gâteau, Georges a été renvoyé, le cabinet d'avocats a fait faillite.

    Je le rassure, nous allons nous en sortir tant que l'on est tous ensemble et qu'on a de quoi manger, tout ira bien. Enfin, j'espère ! 

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    Ça ne s'arrange pas, Georges est obligé de pêcher pour nous nourrir. J'essaie de ne rien montrer à la famille, surtout à Eugénie et aux enfants.

    J'ai mis mon envie d'un troisième enfant de côté, si on n'y arrive pas financièrement, un troisième nous mènerait à la ruine.

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     Nous avons fêté les trois ans d'Alice simplement, je lui ai offert un vieux livre de sa tante Rose qui était au fond de la bibliothèque. Elle était toute contente, moi beaucoup moins, cela me peine que de rien pouvoir offrir à mes enfants. Ce n'est pas la vie dont je rêvais pour eux. 

    Georges est plus mal moralement. Il évite les grandes discussions que sa mère lance. Il ne lui a toujours rien dit. 

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    Un soir, alors que je couchais ma fille, j'ai entendu Eugénie crier après Georges. Alice m'a regardé et elle s'est mise à pleurer. 

    Je l'ai prise dans mes bras et je l'ai bercé pour l'endormir. Elle s'est détendue et finalement, s'est endormie.
    J'entendais ce que disait ma belle-mère et j'avais mal pour mon Georges.

    "Pourquoi tu as emprunté une telle somme ? Comment on va faire maintenant ? Tu vas tout faire perdre ce que l'on a ! Ton père a travaillé dur pour faire notre maison. Redescends sur terre Georges, nous ne sommes pas en ville ici !" Et blablabla.

    J'ai entendu le pas lourd d'Eugénie et sa porte de chambre claquer. Alice a sursauté dans son sommeil, mais elle ne s'est pas réveillée.

    Je l'ai couché dans son lit et j'ai rejoint mon époux. 

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    Nous ne nous en sommes pas sortis, la maison a été saisie par la banque. Eugénie très en colère après Georges est partie s'installer avec Octave. 

    Georges et nous, nous avons pris juste le nécessaire pour nous installer dans un petit appartement miteux en ville. Entre les cafards et les souris, j'ai juste envie de déprimer.

    Georges est en pleine dépression et nous n'avons pas les moyens financiers pour faire appel à un professionnel. Je tente dans la mesure du possible de le tranquilliser.

    "Nous avons un toit sur la tête. Nous sommes ensemble, en famille. La roue va tourner et tout rentrera dans l'ordre."

    Et je le pense, même si pour le moment, j'ai des doutes, je sais qu'un jour, nous partirons pour le sud de la France.

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    Que l'on soit à la campagne ou en ville, les corvées restent les mêmes. Au moins à Hendford, Eugénie m'aidait avec le linge. 

    J'ai écrit à ma belle-mère, cela me fait de la peine que les enfants ne voient plus leur grand-maman.
    À l'occasion du réveillon de Noël, je vais l'inviter, j'espère juste qu'elle va venir. Joseph et Alice seraient tellement contents.

    Il faut surtout qu'elle comprenne que Georges n'y est pour rien pour la saisie de la maison, c'est la conjoncture qui a fait que nous avons tout perdu.

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    Depuis quelque temps, je me suis rendu compte que Georges rentrait très tard à la maison. Ce soir, alors que j'avais une envie pressante, je me suis aperçu qu'il n'était pas à la maison. L'horloge indiquait vingt-trois heures.

    J'ai demandé à Joseph de surveiller sa petite sœur et je suis descendue en bas de l'immeuble. 

    Tout était fermé à l'exception du bar. Quand je suis entrée, Georges était accoudé visiblement ivre. 
    Le barman me demande de régler sa note, j'ai payé une partie lui promettant de régler le reste le lendemain.
    J'ai aidé Georges à rentrer. Je l'ai installé sur le divan, quand il aura dessoûlé demain, nous aurons une grande discussion.

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    Le lendemain matin, je l'ai réveillé à cinq heures trente, ça nous laissait un peu de temps pour mettre les choses au clair.

    "Ça ne va plus, Georges, tu dilapides le peu d'argent que l'on a dans un bar."

    Il me regardait sans répondre. La colère m'a pris, je n'ai pas crié à cause des enfants, mais je pense avoir été clair.

    "Si tu continues comme cela, les enfants et moi, nous partirons sans toi. Je ne veux pas de cette vie Georges, les enfants ne doivent pas subir tes beuveries."

    "Je suis perdu.m'a-t 'il répondu.

    "Trouve toi un petit boulot Georges, nous sommes en ville, il y a bien du travail !"

    "Tu veux que je fasse quoi ?"

    "N'importe quoi Georges, et arrête de boire, je n'ai pas épousé un ivrogne.

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     J'ai fêté mes quarante ans, c'est un anniversaire comme les autres, mais je n'arrête pas de penser à la maternité. L'envie d'un troisième enfant s'impose quotidiennement. 

    Georges travaille dès qu'une occasion se présente et le week-end, il travaille dans une usine. Je sais qu'il n'est pas heureux, mais il ne trouve toujours pas de cabinet d'avocats.

    De mon côté, je vends quelques petites toiles, je ne rapporte pas grand-chose, mais le peu que je gagne nous aide financièrement. J'économise pour nous trouver un meilleur logement. Je me demande si un jour, nous aurons notre maison dans le sud. 

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    Eugénie est venue pour le réveillon. Elle passe un peu de temps chez Rose et Léon. 

    Nous n'habitons pas trop loin, mais dans un quartier différent. Léon est dans les affaires immobilières et pour lui, tout va bien financièrement. Georges est trop fier pour aller leur rendre visite et moi, j'ai trop honte qu'ils viennent chez nous.

    Quoiqu'il en soit, Eugénie et Georges ont beaucoup discuté, même si elle lui en veut toujours pour la perte de la maison familiale, il reste son fils.

    Elle reste jolie, mais il n'y a plus le petit truc qui faisait d'eux une véritable famille et cela me désole.
    J'ai bien tenté de discuter avec elle, mais elle a la rancune tenace. 

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    L'avantage d'être en ville, c'est que l'on peut profiter des avantages culturels. Pendant que Georges et Joseph sont au cinéma, je visite le nouveau musée d'art contemporain avec ma petite Alice. 

    Ah oui, j'avais oublié, je suis enceinte. Je suis tellement heureuse, il a juste un souci de place. Alice partage notre chambre et avec ce nouveau bébé, il va falloir demander au propriétaire s'il n'aurait pas un appartement un peu plus grand. 

    Georges a trouvé un poste d'avocat et il nous faut déménager. Il avait postulé dans le sud de la France comme il savait que je rêvais d'y aller. Il va devoir partir avant nous pour trouver un logement et nous le rejoindrons ensuite.

     

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    Les garçons ont fait les cartons alors que j'étais dans mon deuxième trimestre. Je pense que l'âge fait que cette grossesse est plus difficile que les autres.

    Même si j'ai aimé la ville pour les musées, vivre avec des voisins bruyants, des cafards et des souris ne me manquera nullement.

    J'ai vraiment hâte d'aller dans le sud, vivre une nouvelle vie avec ma famille. 

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    Après des kilomètres pour traverser la France, nous sommes enfin arrivés à destination. Pour le moment, nous sommes en location. Le patron de Georges lui laisse une possibilité d'achat s'il le souhaite plus tard. Elle n'est pas très grande, mais il y a trois chambres et vue le peu de meuble qu'on a pu récupérer, elle parait vide.

    Joseph adore ce petit village, il pourra nager dans l'océan et il dit que c'est mieux que la rivière.

    Moi, je vais pouvoir figer le magnifique paysage sur mes toiles et peut-être rapporter de l'argent en vendant mes tableaux. 

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    Nous avons fêté l'anniversaire d'Alice en ce début de week-end. Notre petite princesse va faire sa rentrée à l'école.

    Joseph quant à lui, les études ce n'est pas ça du tout. Il a raté son examen, je sais qu'il n'aime pas l'école, mais s'il veut y arriver dans la vie, il faut qu'il travaille beaucoup plus. 

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    Je peux affirmer que depuis notre installation dans le sud, ma famille est très unie. Joseph va sur la place du village régulièrement afin de trouver son âme-sœur, j'ai beau lui dire qu'il n'a pas besoin de chercher et qu'elle se mettra sur son chemin, mais il est têtu, il cherche tout de même. 

    Georges a prévu de faire un potager afin que nous ayons nos propres fruits et légumes, je pense qu'en faisant cela, il tente une connexion avec Henri, son papa décédé.

    Une nouvelle histoire 1930

     

    Une nouvelle histoire 1930

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Un jour, alors que je prenais l'air sur la terrasse de ma chambre, j'ai aperçu Joseph avec une jeune demoiselle. Sur le coup, je ne l'ai pas reconnu, puis je me suis rappelée où je l'avais vu. C'est la petite sœur de notre voisine. Les parents sont décédés et la petite s'est retrouvée seule, sa grande sœur, Lilly l'a pris avec elle.

    En les regardant, je comprends mieux les mauvais résultats scolaires de mon fils, il est amoureux. 

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    J'ai donné naissance à un petit garçon, Pierre. Comme ce sera mon dernier bébé, je vais m'occuper de lui à fond. Je me suis occupée de mes deux autres enfants, mais avec la grande dépression, les déménagements et autres problèmes familiaux, j'ai omis des étapes. Il suffit de voir les résultats scolaires de mon Joseph. 

    Je vais redevenir une maman à 100 %, l'école sera une priorité. Joseph et Alice ne vont sûrement pas aimer, mais c'est pour leurs avenirs. 

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    Alors que tout était redevenu normal dans nos vies, une lettre d'Octave nous apprend le décès d'Eugénie.

    Georges est parti pour Hendford mettre sa maman aux côtés de Henri. Ensemble pour l'éternité.
    Il est resté un peu avec son frère et sa sœur, ils ont besoin de se retrouver. 

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    De mon côté, j'ai repris l'éducation de mes grands. Joseph est privé de sortie tant que sa moyenne ne sera pas remonté et Alice prend des cours de piano. Ça nous coûte un peu d'argent, mais les enfants sont ma priorité. 

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    Cela fait un an qu'Eugénie nous a quittés. Notre Pierre a bien grandi. Il ne fait toujours pas ses nuits, mais ce n'est pas grave, la nuit, est un moment privilégié pour nous deux. 

    C'est un bébé solaire, toujours de bonne humeur même s'il a faim, souriant et calme. Il a mes cheveux, ça nous fera au moins trois roux dans la famille. 

    Joseph a de nouveau des bonnes notes, il a eu l'autorisation de fricoter avec la douce Jeanne. Il dit que c'est son âme-sœur, mais il est encore bien jeune. 

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    Mon petit Pierre évolue plus vite que son frère et sa sœur, maintenant qu'il sait s'asseoir, on va limiter les tétées. Cela m'ennuie qu'il grandisse si vite, mais bon, c'est comme ça. 

    Les résultats scolaires des grands sont au-delà que ce que j'espérais, je suis tellement fière d'eux. 

    Georges quant à lui, il s'ennuie au travail, s'il avait su qu'il redescendrait au début de sa carrière, il aurait pris une autre profession. Je ne m'en fais pas, cela va lui passer, il aime ce qu'il fait. 

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    Je ne pensais pas être aussi heureuse, mais si. Je suis comblée, ma famille est ma réussite. Qui aurait pu croire cela en 1915 quand Georges a été blessé et déclaré mort à la guerre ? Je me voyais mère célibataire d'un héritier unique. Aujourd'hui, j'ai mon mari et trois beaux enfants. 

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    Pierre a fêté ses trois ans, cela me fait tout bizarre de le voir marcher. C'est un vrai petit ange, jamais de conflit, il aime jouer avec Joseph et Georges, papoter avec sa sœur, elle ne comprend pas du tout ce qu'il dit, mais elle lui répond quand même. 

    Joseph est complètement épris de Jeanne, il parle déjà mariage. Cela me fait peur, j'ai peur de vieillir. 

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    Joseph souffle ses bougies mettant un terme à l'année 1930. Je redoutais cet anniversaire, la France étant en guerre depuis un an déjà, je savais que dès que mon fils fêterait son anniversaire, il devrait partir rejoindre les soldats. 

    La peur me prend aux tripes, mon mari et mon fils au front à se battre pour sauver la France. 

    Si je devais faire un retour sur ma vie, je ne changerais rien, sauf peut-être ma relation avec ma mère. Quand mon père est décédé, elle a complètement changé. De femme de maire, elle est devenue une veuve avec deux enfants, nos rapports n'ont plus été les mêmes, elle est devenue acariâtre. 

    Notre relation avec Eugénie aussi a changé. Avec le recul, elle avait raison d'être en colère sur les mauvais choix de Georges, mais c'est ainsi. 

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  • Le journal de Jeanne 


    1940

    Cher Journal,

    Aujourd'hui, c'est un grand jour, avec Joseph, nous nous sommes mariés à la mairie, sans grande cérémonie. Joseph doit partir avec Georges à la guerre. J'espère qu'il ne leur arrivera rien, cela m'ennuierait d'être veuve avant d'avoir pu profité de mon mari. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Pendant que je jouais un morceau sur le piano familial, Joseph jouait avec Pierre, son petit frère, j'aime les voir jouer ensemble, ils sont tellement complices que parfois, je les envie. Cette insouciance alors que la France gronde sous les balles ennemies. 

    Je n'ai jamais connu une telle complicité dans ma famille, mes parents étaient trop stricts. Pour eux, c'était les corvées et les études avant tout. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les hommes sont partis au front, la guerre est cruelle. Nous sommes encore épargnés, mais ma belle-mère est vraiment tendue. Elle a déjà vécu cela il y a vingt-cinq ans, elle a peur de perdre son mari et son fils.

    Georges a aménagé la cave pour nous protéger en cas d'attaque. Quand la sirène se déclenchera, nous descendrons au sous-sol.
    Ce n'est pas facile d'être enfermé, mais personne ne sait où nous nous trouvons à part Georges et Joseph.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Cela fait quelques mois que nos hommes sont partis se battre. J'ai appris ma grossesse sans vraiment savoir que j'étais enceinte, c'est Antoinette qui me l'a dit. Elle a vite fait le calcul.

    Même si nous ne risquons rien pour le moment et afin de nous protéger, elle a souhaité que nous passions nos nuits dans la cave.

    Elle est très humide, mais Antoinette a tout nettoyé, du sol au plafond. Les lits ne sont pas très confortables et les couvertures ont connu des jours meilleurs, mais les draps sont propres.

    J'ai écrit une lettre à Joseph pour lui annoncer ma grossesse. Même si je ressens sa peur dans ses mots, cela me fait du bien de le lire. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    J'en suis à six mois de grossesse, les nausées matinales sont enfin passées. 

    Nous dormons toujours à la cave. Antoinette appréhende l'arrivée de l'automne, nous n'aurons aucune source de chaleur et l'humidité va s'intensifier, mais elle refuse que l'on dorme dans la maison. Si nous sommes bombardés alors que l'on dort profondément, nous ne serons pas à l'abri.

    La guerre s'approche de nous. Je n'ai toujours pas reçu de lettre de Joseph, et cela, m'inquiète. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    1941

    D'après les calculs d'Antoinette, je ne devrais plus tarder à accoucher. D'un côté, je suis contente de mettre au monde mon bébé et d'un autre triste qu'il naisse dans les circonstances actuelles.

    J'ai reçu la lettre de mon Joseph et quand j'ai lu la cruauté de nos ennemis, cela me peine énormément. Savoir qu'il n'est pas à l'abri comme nous le sommes. 

    Mes nuits sont agitées, souvent Antoinette me retrouve dans un coin de la cave en pleurs.

    La journée, nous la passons dans la maison. Je joue du piano et je m'évade le temps d'une balade de Bach. Antoinette peint pendant la sieste de Pierre. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Alice a fêté son anniversaire, elle est devenue une belle jeune fille. Malheureusement, elle n'ira pas à l'école. Antoinette a appris qu'elles étaient toutes fermées, du coup, c'est elle qui enseigne à sa fille.

    Moi, je suis plus grosse que jamais, la peur de mettre au monde des jumeaux m'a pris, mais ma belle-mère m'a dit que Joseph était un gros bébé à la naissance et que le mien devait sûrement être comme son père. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les douleurs, telles des épées que l'on m'enfonçait dans le ventre, m'ont pris dans la matinée. Heureusement, Antoinette est restée avec moi. Alice s'occupait de son petit frère. 

    J'ai énormément souffert, la peur de la guerre et celle de perdre la vie en mettant au monde le fruit de notre amour, mais j'ai donné naissance à une petite fille, Madeleine, Marie, Antoinette. Marie, c'était le prénom de ma maman.

    Je suis épuisée, mais je dois écrire à Joseph pour lui annoncer qu'il est papa. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    1942

    Après avoir subi des attaques dans les environs, avoir dormi dans la cave et avoir eu très peur, nous avons réintégré la maison. La Bastide a été épargnée, Dieu soit loué. 

    Nos hommes vont nous rejoindre bientôt pour une permission. J'ai hâte que Joseph rencontre notre Madeleine qui a soufflé sa première bougie. 
    Avec Antoinette et Alice, nous avons briqué la maison pour qu'elle soit propre avant l'arrivée de nos hommes.

    J'ai tellement hâte de m'endormir dans les bras de mon Joseph. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Les hommes sont enfin là. Serrer Joseph dans mes bras m'avait vraiment manqué. 

    Il a joué et câliné sa fille. Au début, elle a eu un peu peur, mais rapidement, elle a charmé son papa. J'ai hâte que cette guerre se termine et que l'on puisse de nouveau être une famille. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Antoinette était plus que ravie de voir Georges dans la maison, elle l'a touché partout pour s'assurer qu'il n'avait pas de blessures. Mon beau-père a beaucoup ri avant de la prendre dans ses bras.

    Pierre a joué avec son papa et il n'arrêtait pas de lui demander des histoires sur la guerre. 

    Pour quelques jours, nous sommes une famille unie et heureuse d'être ensemble. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    1943

    Cela fait un mois que les hommes sont repartis et notre intimité avec Joseph a porté ses fruits, un petit bourgeon grandit en moi.

    Madeleine fête ses trois ans, et comme elle marche, nous avons dû verrouiller le portail pour qu'elle ne s'échappe pas hors du jardin. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    1944

    Il n'y a rien eu de particulier cette année. Pierre a obtenu de bons résultats à l'école depuis qu'elle a réouvert. Alice s'est mise à fond dans le sport, surtout courir, elle adore ça. 

    Antoinette regarde le temps qui passe trop vite et compte les jours où elle et mon beau-père seront de nouveau réunis.

    Moi, je protège mon petit bourgeon qui grandit. J'explore des recettes avec les ingrédients frais du potager, j'adore cuisiner. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Marie est enfin propre, il lui aura fallu du temps et surtout beaucoup de patience. Elle déteste se coucher, tous les soirs, c'est une bataille pour l'endormir. Par contre, elle est très curieuse et adore apprendre de nouvelles choses. Sa grand-maman est ravie de lui apprendre des mots, à dire pardon ou encore s'il vous plaît et merci. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    1945

    La guerre est enfin finie. Joseph et Georges vont rentrer dans peu de temps. Antoinette est vraiment heureuse et rassurée par leurs retours. Georges va pouvoir reprendre en main son jardin, elle a mis beaucoup d'énergie à l'entretenir, je l'aidais au maximum, mais les journées étaient trop courtes et honnêtement, le jardin, ce n'est pas mon truc. 

    Marie a eu un an, elle est très remuante et adore être portée. De mon côté, j'ai eu dans l'idée de chercher un poste de cuisinière, mais je n'ai rien trouvé, il faut que j'attende encore que la guerre soit derrière nous et que la France se reconstruise.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Alice a fêté son anniversaire et vu son niveau d'études, elle a souhaité s'inscrire à l'université. Antoinette est triste de voir sa fille quitter la maison, je ne m'imagine pas à sa place. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Ce soir, j'ai organisé un repas de Noël. Après la guerre, j'avais envie que l'on se retrouve tous ensemble. En plus, c'est le dernier noël de cette décennie, la semaine prochaine, nous fêterons la nouvelle année et l'entrée dans une nouvelle décennie, l'an 1950. 

    J'aimerais donner un fils à Joseph et perpétuer le nom des Leroy, mais dans l'immédiat, nous allons déguster cette belle dinde.
    Joyeux Noël à tous et que la paix soit dans tous les cœurs. 

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     


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